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Publié par Roldan

Commençons par un classique. J'ai rencontré Arthur qui naviguait en Bretagne nord du côté de Bréhat sur un vieux rafiot dont le moteur à essence avait été bricolé autant de fois que la marée s'arrête toutes les 6 heures. Le problème de ce maudit jour de mars où Arthur était pressé de sortir du port avec le courant pour aller remonter ses filets, sans jamais rien prendre, c'est qu'il avait oublié d'aérer le compartiment moteur comme il le faisait à chaque sortie. Ce matin là, toujours guilleret avec un petit coup dans le nez, il n'a pas senti les vapeurs d'essence qui se sont échappées de la cale au moment où il a allumé sa première clope de 7 heures.  Boum. Pas la peine de vous faire un dessin, direct à l'hôpital et la barcasse d'un autre âge a coulé dans le port. La morale, si nos bateaux plus modernes sont équipés de ventilation automatique, d'alarme sonore et de tout l'arsenal anti-déflagrants, il est toujours d'usage avant de démarrer le moteur ou d'allumer le gaz de ventiler le bateau et les coffres. 

C'est vrai que les pannes moteur peuvent vous ruiner une belle croisière. Hélas, à 85 %, elles sont causées par une négligence impardonnable. Heureusement, il y a toujours un ange gardien dans un port. Un jour, en Sicile, j'ai fait intervenir un vieux mécanicien, légèrement bedonnant qui tenait un gourbi à  bateaux sur le port. Je n'avais pas le choix. Il lança des oeillades au ciel quand je lui dit que mes alarmes se mettaient à hurler dés que je tournais le contact. Le petit homme en grommelant dans sa barbe fit des recherches rapides en plongeant tout son corps dans les entrailles du moteur. "Je ne vais pas vous ennuyer tres longtemps", dit-il par antiphrase en poursuivant ses recherches "rien de grave juste les sondes oxydées". Sous sa déguaine de vieux marin et sa mauvaise odeur, je le remerciais et je me suis toujours rappelé qu'il y a un ange gardien dans chaque port quelque soit son déguisement. Il me prit un billet de 50 euros et avec un sourire en coin, me souhaitant en italien une bonne croisière.

Aux Baléares, à Ibiza exactement, j'ai eu la bonne surprise de rencontrer un autre vieux mécanicien espagnol en joyeuse compagnie dont l'apparence laissait douter de ses compétences. A tord bien sûr parce qu'il a soudé sur place mon circuit d'eau de refroidissement en 1 heure chrono. Bonne surprise. La réparation a tenu aussi longtemps que le mât sur le pont du bateau. Juste avant, j'avais vu un motoriste à Palma joliment vêtu d'une chemise à fleurs avec un badge de directeur technique, vautré dans un beau bureau, le regard fuyant, qui m'avait prédit un changement de moteur. A qui faire confiance?

Les pannes sont fréquentes dans un certain nombre de cas et plus particulièrement après un long hivernage. L'humidité et l'air salin s'installent sur nos instruments, batteries, fils et durites. On m'a toujours dit de bien vérifier toutes les connections électriques sur un bateau. Une grosse panne comme un guindeau qui ne marche plus peut tout simplement venir d'un fil dénudé dans un boitier qui était étanche ou une cosse oxydée. Toujours garder son sens marin. J'ai eu cette désagréable expérience lors d'un hivernage en Grèce. Toujours mener une enquête sur l'électrolyse à bord. C'est sournois. Particulièrement, les passe coques, l'arbre d'hélice, les ancrages, les crépines, les boulons de quille, le mât.  

Fred, un copain de boulot, qui faisait autorité à l'époque dans les convoyages express, m'invite à emmener un voilier de Nice à Athènes. Il jugea avec bon sens de le faire en 5 jours. Fallait pas trainer. Un Jeanneau de 54' pieds. Un moteur de 75 cv. On était quatre à bord. La routine. C'était vrai on l'a fait en cinq jours sans compter notre panne au passage entre la Corse et la Sardaigne face à Bonifacio. Le vent, comme d'habitude, a viré à l'est. De face par 35 noeuds. Et d'un coup, plus de barre. Petite pointe d'inquiétude. Le bateau incontrôlable. Recherche de la barre de secours au fond du coffre. 2 minutes plus tard, la situation est sous contrôle. Le plus petit d'entre nous, inspira profondément avant de s'enfoncer dans le coffre arrière pour atteindre les drosses dont l'une s'était décrochée de son attache. Finalement, avec un câble de pêche on a réparé provisoirement. C'est une affaire basique. L'ami Fred toujours soupçonneux ne part jamais sans une petite valise remplie de bidouilles.

Les dépannages en mer sont fréquents et on ne peut compter que sur soi. Cela fait partie du quotidien du marin. 

Une panne, c'est aussi un manque d'entretien.        Je me souviens du bateau de Peter basé aux Antilles, un joli trawler à moteur de 12 mètres, toujours entretenu aux petits soins par un chantier de Pointe à pitre. Et toujours par la même personne, le petit Joseph, écolo naturel, qui en plus de son SMIC recevait de la part du propriétaire un petit pécule non négligeable. En tout cas, on aurait pu souper sur le gros diésel du bateau tellement Joseph faisait reluire les pièces mécaniques comme un trophée dans un musée. Tous les deux ans, il démontait le moteur et le remontait comme neuf. C'est fou. Enfin, tout le monde n'a pas la chance de connaître Joseph. Malheureusement, Joseph est parti sur un bateau de passage sans prévenir laissant son patron sur la paille comme en dit en jargon mais aussi sa famille. Et par la même occasion, le bateau de Peter s'est retrouvé orphelin du bon mécanicien. Le conte de fée a pris fin pour le bon vieux moteur. A partir de ce moment, il devint mystérieusement capricieux avec des pannes à faire pleurer un roi. En vérité, le chantier avait confié l'entretien du bateau à une société prestataire qui faisait le minimum. 

Des pannes, des pannes ... oui mais des panzani.

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