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Publié par Roldan

Un coup de vent de dingue

Dans mes souvenirs, je ne m'attendais pas à courir un grand risque dans ce beau mouillage grec d'un bleu profond comme dans un tableau de peintre. C'est à Ormos Laka sur l'île de Paxos en mer ionienne. A quelques milles de Corfou et de l'Albanie. Voilà toute une semaine qu'il faisait un temps d'été à plus de 30 degrés du matin au soir. A l'aurore, un léger vent de nord-ouest et l'après midi ce fameux vent « Maistro » qui peut souffler fort. Mais au mouillage dans cette baie protégée, le vent battait en retraite au-dessus des montagnes. Le contraire du fetch. Son eau transparente et calme à peine remuée par les bras des nageuses ou les rames d'une annexe. Quoi qu'il puisse arriver, le bateau était vraiment en sécurité. C'est ce que je croyais. Souvent le calme est trompeur. Mais encore une fois dans mes souvenirs, mon ancre à bascule était plantée de bonne tenue dans le sable avec 40 m de chaine dans 4 m d'eau. Et comme un bon marin, à bonne distance d’évitement des autres bateaux. A bord, ce lundi aux belles heures du matin, l'air sentait la fleur d'acacia. Pierre et Maeva décidaient de profiter des longues promenades dans les petits sentiers de l’île. L'endroit était parfait pour arpenter et jouir de ce lieu de beauté. On était allé de l'autre côté de l'ile où les pins et les oliviers embaument sous la chaleur. De retour au bateau avec l'annexe au couché du soleil, après la baignade autour du bateau, on s'était préparé du fromage de chèvre et des fruits ramassés lors de notre balade. Tout doucement l'obscurité venait et on distinguait à peine les autres bateaux au mouillage. Juste le petit feu du phare à l'entrée de la baie et les petites lumières des restaurants du port. Tout semblait éteint et calme. Au loin des éclairs comme d'habitude dans le ciel mais rien d'alarmant. Même pas un chant d'oiseaux. Curieux d’ailleurs. Ils s'étaient dispersés comme une bande de moineaux sur un champs de blé.  Soudain, Pierre en passant la tête par la descente nous a dit : regardez mon maillot de bain, il s'emballe sur le fil du bastingage. Et d'un coup, la bourrasque. Le bateau s'était mis à pivoter autour de l'ancre comme un manège d'enfants. Cela avait duré le temps d'un supplice. Dans ces cas-là, on ne fait pas le mariole. Ne plus savoir où se trouve le nord ni les étoiles. Je revois les détails de la scène avec le feu rouge qui passe et repasse à toute berzingue, les autres bateaux qui semblaient s'envoler, le mat qui donnait le tournis, les yeux mouillés de Maeva, la peur au ventre de Pierre et j'étais rouge comme le cul d'une poule. Il fallait agir. Le désordre dans le bateau. On se tenait coite pourtant bien obligé de réagir mais l'emballement du bateau nous interdisait toute sortie. Il fallait que l'ancre tienne bon. J'étais resté couillon face au vent qui entrait sous y être invité. A l’anémomètre, 45 nœuds puis 60 nœuds. A la VHF, sur le canal 16, juste un grésillement. Nous allions à vau-l'eau si je ne prenais pas la situation en main. Et puis, le calme. Le grand calme. La surprise donnait à Maéva un air grave puis un sourire que je devais garder dans ma mémoire. Elle avait prononcé juste un mot Maman. Elle était gagnée par l’espoir, le renouveau, la sortie d’une mauvaise blague. Pierre avait reçu un mauvais coup au bras. Sans gravité. Autour de nous, la vision d’un grand nettoyage. La lumière était revenue comme après une panne d’électricité. Il faisait presque doux. Dans la nuit, on pouvait voir deux bateaux allongés sur la plage, des objets flottants et j’observais de loin quelques personnes sur les berges avec une frontale. Je me souviens que notre bateau avait changé de place; l’ancre avait chassé de quelques mètres. Maeva et Pierre riaient bruyamment. Au petit matin, avec l’apparition du soleil, la baie avait retrouvé son rythme normal comme si rien ne s’était passé. Les deux bateaux avaient repris leur place comme par miracle. La mer bougeait apaisante comme une berceuse. Maintenant, c’est un agréable souvenir qui m’a plongé dans le passé comme dans une eau calme et chaude.     

 

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