Les petits et gros bobos à bord..
Et si on commençait par le mal de mer. Ce drame digestif qui s'installe au début d'une croisière quand on n'a pas le pied marin. Il parait que çà dure trois jours, le temps de s'amariner. Les causes sont multiples (la frousse, la faim, le froid et la fatigue) et les remèdes incertains. Mon meilleur souvenir, c'est le cas d'un copain, Paul qui prenait un bon coup d'alcool fort, un cognac de 10 ans d'âge, avant d'embarquer sur le bateau. Il constatait avec bonheur que son état nauséeux disparaissait et il recommençait l'expérience à chaque fois. Et un autre, Luc, qui mettait des boules Quies pour ne plus être embêté par le bruit des voiles, du vent, des vagues et des craquements du bord. Il était persuadé que, inconsciemment, la peur lui donnait cette nausée, et qu'en se bouchant les oreilles, il n'avait plus le mal de mer. Dernièrement, lors d'un sea test depuis St Malo sur un joli voilier, un équipier me dit avant d'embarquer " je vais avoir le mal de mer alors j'ai tout prévu". Déjà, il partait avec une appréhension. A peine nous avions dépassé la bouée du chenal, mon bonhomme devenait livide, blanc et curieux. Son truc comme remède : s'allonger dans le cockpit avec une paire de lunette remplie d'un liquide coloré et un bracelet anti nausée. L'effet n'était pas vraiment efficace à première vue et comme équipier non plus. En fait, Il faut tout essayer même des astuces de grand mère comme le gingembre, l'huile de citron, le sucre vanillé mais surtout commencer la croisière par de courtes étapes dans une mer douce et agréable.
Sur un bateau, le plus gros bobo s'attrape par les mains et les pieds. Une manivelle de winch qui saute de son logement lors d'un étarquage peut devenir une arme redoutable tout comme une écoute qui surpate. A la semaine d'Antigua, j'étais à la manoeuvre sous le vent lors d'un virement de bord lorsque l'écoute bâbord s'est bloquée dans un réa. Aussitôt, j'essaie de détricoter le noeud avec ma main droite quand un équipier a ouvert son cran d'arrêt pour me l'enfoncer involontairement dans le creux de ma paume de main. J'ai débarqué deux jours au dispensaire d'Antigua.
Les manoeuvres de guindeau et de chaine peuvent être un risque pour les pieds. Les accidents les plus fréquents viennent d'un manque d'inattention ou de maladresse surtout si votre équipier est pieds nus. Rester vigilant lors d'une prise de coffre, la chaine peut sauter du barbotin en venant frapper directement les jambes. Quand on manipule la chaine d'un corps-mort, je conseille de porter des gants de bonne qualité en cuir si on veut éviter des brulures ou des écorchements. De même, quand on remonte l'ancre, porter des gants pour éviter des brulures de méduses ( çà arrive souvent en Méditerranée). Un équipier avait essayé de bloquer une écoute à main nue, de même reprendre une amarre en remorque qui file d'un autre bateau en cas de sauvetage, sur un bateau on ne le répète jamais assez, il faut éviter d'être pieds nus à bord quand le bateau navigue.
La plus grosse bourde à bord, c'est l'empannage de la bôme non préparé qui risque de blesser un équipier à la tête et de le projeter à l'eau. Ça arrive même aux meilleurs navigateurs. Lors d'une séance photos pour un nouveau voilier Jeanneau, au large de l'île d'yeu, je confiais la barre pour ariser la Grand Voile quand le bateau a empanné violemment. Du coup, j'ai juste eu le temps de baisser la tête mais je me suis quand même pris la poulie d'écoute sur le crâne.
Un autre gros bobo sur un bateau peut arriver quand on saute à terre pour s'amarrer. Un appontement ou une manoeuvre de quai bien réussi peut se terminer par un équipier qui s'est pris les pieds sur le rail de largue en voulant sauter trop tôt sur le quai. En effet, c'est inutile de bondir trop tôt quand on saute sur le quai avec une amarre en main. Ça peut se terminer dans la rigolade par un bon bain tout habillé mais quand on rate son saut de biche, bonjour les foulures, entorses, côtes cassées. Pour éviter les problèmes, toujours prendre son temps lors de l'approche du quai en écoutant les ordres du capitaine. Et bien regarder où on met les pieds.
Le plus traitre des bobos, c'est le coup de chaleur surprise et l'insolation mortelle qui peuvent gâcher une croisière même en Bretagne. Le soleil est plus brûlant en mer qu'a terre à cause des réverbérations de l'eau. C'est facile à deviner que sur un bateau, il y a peu d'ombre en dehors des voiles et du bimini. Alors il est important d'avoir à bord l'indispensable crème solaire. Dans la boite à pharmacie, (indispensable également à bord) on doit y trouver une protection solaire tres efficace. Se badigeonner avant le départ parait une bonne idée. Mais, l'insolation est plus grave. Des drames sont arrivés lors d'une chute à l'eau ou une baignade. Sous un soleil de plomb, après des heures en mer, je garde toujours quelqu'un à bord lors d'une baignade des enfants et je lance une bouée accrochée à un bout au cas où il arriverait quelque chose. Il y a longtemps, j'ai perdu un ami qui naviguait sur un petit voilier de location en rivière de la Rance prés de St Malo. Un enfant est tombé à l'eau. Par réflexe, il a sauté du bateau pour le récupérer mais il a eu une insolation sans retour. C'est un pêcheur qui est venu les secourir mais il était trop tard pour mon ami.
Dernier point, le froid et l'humidité à bord. Je conseille toujours de bien se couvrir même si les conditions peuvent paraître bonnes. En mer, ce n'est pas comme à terre. Le froid et l'humidité peuvent gâcher une croisière. Alors, prévoir un bon duvet, une bonne couverture, un bonnet, un gros pull marin et un ciré bref de quoi se couvrir pour éviter des engelures et une bonne grippe.
Dans l'enthousiasme des départs, on est tous pris par la frénésie de tout découvrir, ne rien rater et la lucidité d'un écrit sur les bobos en mer dans une humeur fantasque nous font oublier les fondamentaux dés que nous embarquons avec des novices.. Pour les fondamentaux, j'ai une pensée pour notre ami Rubi, un grand journaliste de Neptune et Voile magazine mais surtout un maître de la vieille école de la voile et équipier de Tabarly.