La Loire navigable dans les deux sens..
Commençons par ce beau poème sur la Loire de Joachim Du Bellay (1500).
Ô de qui la vive course
Prend sa bienheureuse source,
D’une argentine fontaine,
Qui d’une fuite lointaine,
Te rends au sein fluctueuxA ton rivage écumeux.
N’oublie le nom de celle
Qui toutes beautés excelle,
Et ce qu’ai pour elle aussi
Chanté sur ce bord ici.
Aujourd'hui, la Loire est toujours aussi belle. Elle n'a pas changé depuis des millénaires. Elle est même capricieuse pour les navigateurs et mariniers. La navigation n'a jamais été facile ou alors il faut la suivre en Montgolfière (ma photo). En bateau, la remontée peut même devenir impossible, certains jours d'été, à cause du niveau d'eau trop bas. De surcroit, il faut aussi faire attention aux bancs de sables surtout quand on se laisse emporter par le courant. Dans le temps, la navigation se faisait à la voile et Il fallait guetter la première occasion pour prendre le vent d'Ouest et souvent par faute de vent, il fallait enfiler un harnais comme les chevaux que l'on se passait autour de la poitrine, pour haler le bateau à "col humain".
En navigation, le bateau redescend le courant, à la même vitesse que l'eau, sans véritable moyen de se diriger. Les mariniers d'autrefois utilisaient des bâtons de marine, de longues tiges de chêne très solides. On en plantait l'extrémité ferrée au fond de l'eau, et on coinçait l'autre extrémité dans les "arronçoirs", une sorte de planche en forme de crémaillère, fixée sur les bords extérieurs du bateau à l'avant et à l'arrière. La force du courant faisait pivoter le bateau autour du bâton, et on pouvait ainsi modifier sa trajectoire; mais il n'était pas rare qu'on laisse un doigt dans la manoeuvre... il fallait aussi faire attention à ne pas heurter un banc de sable...avec l'appui du courant, la manoeuvre pour dégager l'embarcation pouvait prendre plusieurs heures...
La Loire était le seul cours d'eau d'Europe qui puisse être remonté à la voile sur plus de quatre cents kilomètres, grâce à son orientation, opposée à celle des vents dominants d'ouest. La présence de ce double moteur naturel, vent à la remonte et courant à la descente a considérablement facilité la mise en valeur économique du "Val de Loire"; c'est la cause essentielle de la richesse ancienne du "Jardin de la France". Les nombreux ports aujourd'hui désertés vivaient du transport fluvial de ces deux frets lourds, la pierre et le vin, tous deux exportés au loin, et d'une foule d'autres dont la liste interminable montre que tous les aspects de la vie dépendaient de la batellerie. Une grande densité humaine, un mouvement économique très intense engendré par la batellerie, voilà les raisons qui ont fait du Val de Loire le séjour préféré de nos rois pendant longtemps, voilà l'origine de l'extraordinaire parure de châteaux qu'ils y ont édifiés.Arrivées à destination, les sapines étaient "déchirées" selon l'expression consacrée, et leur bois vendu à bas prix et/ou réemployé dans les constructions terrestres, ou tout simplement brûlé.
Aujourd'hui, pour bien apprécier la Loire, il faut se lever tôt. Ne pas faire de bruit donc pas de moteur mais plutôt se déplacer en canoë ou kayak. Certains le font à vélo ou en Montgolfière ( voir ma photo perso). Et observer la nature. De ma ville d'origine, habitant l'ile de Chalonnes sur Loire (Le val de Loire entre Sully et Chalonnes sur Loire a été inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco en 2000), je descend mon canoë devant la maison pour remonter le courant jusqu'au fameux pont de l'alleud en me faufilant comme une anguille à contre courant à travers les branches d'arbres le long du fleuve. Et pendant les crues, on navigue à travers champs. Encore un autre plaisir de la Loire. A savoir que le plan Loire Grandeur Nature vise à aménager le fleuve pour préserver les oiseaux et la nature mais surtout gérer les inondations.