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Publié par Roldan

Victor Hugo et la mer

Cette nuit, il pleuvait, la marée était haute, 
Un brouillard lourd et gris couvrait toute la côte,
Les brisants aboyaient comme des chiens, le flot 
Aux pleurs du ciel profond joignait son noir sanglot, 
L'infini secouait et mêlait dans son urne 
Les sombres tournoiements de l'abîme nocturne ; 
Les bouches de la nuit semblaient rugir dans l'air. 
J'entendais le canon d'alarme sur la mer. 
Des marins en détresse appelaient à leur aide.
Dans l'ombre où la rafale aux rafales succède, 
Sans pilote, sans mât, sans ancre, sans abri,
Quelque vaisseau perdu jetait son dernier cri. 
Je sortis. Une vieille, en passant effarée, 
Me dit : – il a péri. C'est un chasse-marée.
Je courus à la grève et ne vis qu'un linceul 
De brouillard et de nuit, et l'horreur, et moi seul ; 
Et la vague, dressant sa tête sur l'abîme, 
Comme pour éloigner un témoin de son crime, 
Furieuse, se mit à hurler après moi. 
Qu'es-tu donc, Dieu jaloux, Dieu d'épreuve et d'effroi, 
Dieu des écroulements, des gouffres, des orages, 
Que tu n'es pas content de tant de grands naufrages, 
Qu'après tant de puissants et de forts engloutis, 
II te reste du temps encor pour les petits, 
Que sur les moindres fronts ton bras laisse sa marque, 
Et qu'après cette France, il te faut cette barque ! 

Victor Hugo. Jersey 1853

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