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Publié par Roland Fardeau

Larguer les amarres sans revenir ...

Dans mes souvenirs, je revois encore cette belle image, éphémère mais très claire, du départ d’un bateau à La Rochelle pour un tour du monde avec des beaux projets d’escales. Les îles qui bordent la côte atlantique comme Madères, les Canaries ou les îles cap vert. La grande traversée vers les Antilles et le pacifique jusqu’à Tahiti, le bout du rêve. Un couple qui voulait réaliser un grand rêve sur 5 ans abandonnant leur travail et leurs amis. Passionné de mythologie grecque, il se voyait comme les personnages de leur lecture. Pouvoir se métamorphoser en grand voyageur comme des dieux sur toutes les mers du monde. Ils sont partis comme un enchantement avec un bel article dans le journal du coin. Et puis, en désespoir de cause, au bout de quelques jours sur leur beau voilier en acier, l’aventure allait se terminer par une dispute à bord à cause d’une mauvaise préparation du bateau. Longtemps après, elle m’a avoué que c’était surtout la crainte de la mer et la peur du silence. 

 

C’est pourtant vrai que le silence en mer est surprenant. On n’arrive pas à identifier sa portée sur notre âme. Il imprègne notre esprit qui reste encombré par tant de souvenirs terrestres. Le temps permet pourtant de vaincre cette faiblesse. Comment faire le vide. Comment combattre ses propres frissons comme une balade dans le noir d’un grand tunnel. Au large, on est à des milles de tout le monde entièrement dépendant du moindre souffle de vent et de l’état de la mer. Chacun sa méthode. Les uns veulent couper le stress au travail, d'autres retrouver un bien-entre à vivre mieux. Il y a des grands chefs d’entreprise ou des cadres fortunés qui prennent une année sabbatique sur des voiliers de 50 pieds, des familles qui partent sur des petits voiliers, des seniors qui profitent de leur retraite pour voguer tous les ans pendant 4 mois sur leur catamaran ou leur grand voilier de voyage et des aventuriers dans l’âme qui passent leur vie en famille sur l'eau. Pour bien réussir son projet, 4 mois, 1 an ou plus,  il est important de bien se préparer mentalement et physiquement avec un budget approprié pour le bateau, le départ, les années en mer et le retour à terre. 

 

Côté mental, s’assurer que le programme de navigation hauturier correspond bien à un grand projet en mer commun à deux. Prendre le temps d’en parler en famille dans les moindres détails sans compromis. Passer des heures à définir le bon programme de navigation en calculant tous les risques. Définir les rôles de chacun, se former ensemble dans des stages de navigation (météo, routage, survie, électronique, moteur), définir les escales desservies par des grands aéroports pour un retour provisoire (maladie, blessure, enfants, parents), naviguer ensemble sur de longues distances dans la configuration du projet. Certains n'hésitent pas à se faire coacher. 

Côté physique, avant de partir, consulter un médecin sur son état de santé. Faire des tests d’efforts à l’hôpital, prendre rendez-vous chez le dentiste, etc.. . En tout état de cause, savoir se soigner et se munir d’une trousse à pharmacie bien préparée avec des antibiotiques. Un accident peut arriver à tout le monde même aux meilleurs. Il faut savoir que le tour par les trois caps peut être périlleux car le risque de chavirage est possible. C'est important de bien connaître son voilier, le maîtriser par toutes les conditions de vent, l’apprivoiser s’il fait plus de 50 pieds. Si c’est un monocoque ou un catamaran, l’aménager pour vivre confortablement en mer, le barder de sécurité, (Détail) se munir de contre-plaqués pour boucher une avarie sur les hublots de coques, assurer une ligne de vie, l’embellir de nouvelles voiles comme une trinquette, un spi à chaussette et un tourmentin (qui détient un tourmentin dans sa soute à voiles?). Être autonome pour passer plusieurs semaines seuls au monde avec du matériel en double : les pompes de cales, le moteur, le guindeau, l’électricité, les écoutes, les drisses, les câbles de barres. Pouvoir monter en tête de mât, réussir une manœuvre, être mécanicien, faire briller les bois et l’inox. En fait, être en bonne condition physique même pour les seniors. Partir à deux, c’est génial mais beaucoup choisissent de demander à un équipage d’amis de les accompagner provisoirement lors d'une grande traversée; souvent sans frais supplémentaires. Un bon conseil. Pour réussir son périple, le principal : prendre son temps. Attendre une bonne météo et établir un routage sur 3 jours en évitant les dépressions et les trous d'air. Affaler au bon moment pour éviter de se blesser ou de déchirer les voiles. Rester tranquille aux escales en profitant du tourisme local et passer en revue son bateau dans le moindre détail. En avril, je suis parti de bretagne avec mon voilier pour accoster en Sicile par Gibraltar. J'ai mis un mois alors que j'aurais pu le faire en 20 jours. J'ai évité 3 dépressions, attendu le vent portant, passer Gibraltar au début du jour, attendu 2 jours en Sardaigne ( vent de face). Une traversée sans problèmes et sans casse. 

 

La plupart du temps, les scenarios ne se ressemblent pas. Ceux qui préparent bien leur bateau et l’entretiennent durant leur traversée auront plus de chance de ne pas faire les frais de réparations parfois onéreuses. A l'achat du bateau, certaines modifications et améliorations sont nécessaires. Des renforts avec une cloison étanche à l’avant et à l’arrière en cas d’envahissement. Un arrimage plus solide des batteries et des réservoirs. Une meilleure énergie avec des panneaux solaires ou des éoliennes. Et surtout, en cas de panne générale être capable de ramener le bateau au port sans électronique. Ré-apprendre à naviguer avec les moyens du bord. Comme me disait un journaliste (Rubi) qui a navigué avec Tabarly, il faut revenir aux fondamentaux. La sonde à main, l’estime avec une carte papier du Shom, le mini compas, la regle cras, remonter l’ancre à la main. Tout peut arriver lors d’un orage ou un chavirage. 

 

Dernière chose. Penser humanitaire. L’association Voiles sans frontières  a besoin de transporter du matériel médical, des médicaments, des trousses jusqu’au Sénégal ou Haïti. Lui, il a fait une belle escale en Casamance. Ce grand chef d’entreprise est parti sur un Garcia 52 de La Rochelle juste après le Grand Pavois pour livrer des tables d’opération avant de traverser l'Atlantique pour son congé annuel. 

 

 

 

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